Le mot des Fondateurs

Fondateurs-Administrateurs de l'association : Au Fil du Hainaut

Le comté de Hainaut, bref résumé d'histoire

M. Jean-Marie Cauchies

Le terme Hainaut permet aujourd'hui de dénommer tout à la fois une province du Royaume de Belgique et, de manière non officielle mais courante et convenue, la partie orientale du département français du Nord.

Pendant environ dix siècles, il a désigné un territoire qui fut d'abord un pagus (circonscription administrative) franc, puis une principauté féodale, enfin une province des Pays-Bas dits espagnols puis autrichiens.

C'est depuis le Xe siècle que des gouvernants portant le nom de comtes vont s'établir à Mons. Ils accroissent considérablement le territoire du comté de Hainaut (Hainoensis) aux deux siècles suivants et, à deux reprises, ils détiennent aussi la Flandre, les deux comtés étant ainsi associés dans des liens d'union personnelle. Au XVe siècle, la mainmise des ducs de Bourgogne intègre le Hainaut à l'ensemble territorial des Pays-Bas appelés de ce fait bourguignons, union personnelle encore mais à plus grande échelle, non sans garder une relative autonomie institutionnelle. S'il est de culture française, le pays demeure d'appartenance impériale puisque situé sur la rive droite de l'Escaut. Échu aux Habsbourg comme les principautés voisines, le Hainaut voit alors, sous l'impulsion de son assemblée représentative, les États (clergé - noblesse - villes), rédiger et homologuer ses coutumes en vigueur. Affecté par les conflits religieux et politiques du XVIe siècle, il opte pour la réconciliation avec la monarchie espagnole. Mais au siècle suivant, il subit de plein fouet les conséquences des guerres de conquête de Louis XIV qui l'amputeront au profit de la France de près de 50% de son territoire et lui enlèveront en particulier sa principale ville en termes de population et d'activité économique, Valenciennes. En 1794/95, le Hainaut « belge » sera intégré pour vingt ans, avec le reste des Pays-Bas autrichiens, à la république puis à l'empire français.

Les Saints du Hainaut : une empreinte sacrée sur l'identité régionale

M. François de Vriendt

Mons, Maubeuge, Soignies, Saint-Ghislain, Le Roeulx, Denain, Lobbes, Leuze... : en Hainaut, belge ou français, les lieux dont les origines se confondent avec la fondation d'une abbaye et l'action d'un saint – le plus souvent placées au VIIe siècle. – sont particulièrement nombreux. Parallèlement, les textes hagiographiques célébrant ces figures idéalisées offrent, avant l'An mil, un corpus documentaire unique, à manier certes avec discernement, sur l'histoire de notre région.

Les saints et leur aura posthume ont laissé de nombreuses traces en Hainaut, qu'on peut aujourd'hui encore percevoir dans nos vies et nos paysages. Ces intercesseurs placés entre la terre et le Ciel, censés être plus réceptifs aux prières de par la condition humaine qu'ils avaient eux-mêmes connue, constituent une réelle originalité du catholicisme. Incarnant une certaine idée de la perfection, ils focalisèrent, notamment à travers leurs reliques, bien des attentes et des espoirs, à une époque où la médecine et la science restaient élémentaires, et la violence, l'épidémie ou la famine, récurrentes. À l'époque moderne, leurs reliques et leurs images, conçues comme des objets de prestige et des gages de protection, investiront les moindres recoins de la société chrétienne : églises et chapelles bien sûr, mais également confréries, couvents, hôpitaux, hôtels et portes de ville, collections particulières...

À la ville comme à la campagne, les fêtes des saints rythmaient l'année, déterminant certaines échéances sociales ou agricoles, de même que les jours de congé. Les processions, multiples, durant lesquels leurs corps sortaient de l'église, étaient des moments solennels qui fédéraient la communauté dans la joie (action de grâce) comme dans l'angoisse (demande de protection). Ces événements religieux se doublaient dans certains cas de divertissements et de jeux, ainsi que de foires commerciales. Des marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse à la ducasse d'Ath, des soupers de la Saint-Éloi aux célébrations de la Sainte-Barbe, en passant par les processions de Tournai, Mons, Soignies, Enghien, Lessines, et bien d'autres, le Hainaut a d'ailleurs conservé dans son folklore de nombreuses traditions dont l'origine est religieuse.

S'ils n'ont plus l'influence d'autrefois, les saints demeurent présents, sur le plan patrimonial, à travers ces fêtes collectives, mais aussi dans de nombreux toponymes, les dictons, et les multiples chapelles et potales, parfois en piteux état, qui parsèment le Hainaut. Les 542 paroisses, et le millier d'églises que compte la province, sont évidemment aussi un élément très visible de ce patrimoine sacré. Sur plus d'un millénaire, les saints ont enfin suscité une quantité considérable d'artéfacts et d'œuvres artistiques, financés par l'Église et, plus encore, par des commanditaires laïcs. Ces représentations avaient du sens pour nos prédécesseurs, une iconographie à la symbolique recherchée, et une partie d'entre elles a aussi une dimension artistique qui ne peut laisser indifférent. On le voit, à la croisée de l'histoire, de la spiritualité, du folklore et du patrimoine, les saints ont laissé une empreinte qui participe pleinement à l'identité du Hainaut.

Trésors artistiques du Hainaut : un florilège d'œuvres traversant les siècles

Mme. Monique Maillard-Luypaert

En comparaison de ses voisins flamand, brabançon, namurois, le Hainaut n'a pas à rougir. Les arts s'y sont déployés avec vigueur dès le haut moyen âge. En dépit des guerres, révolutions et « furies » iconoclastes de tout genre et de toutes époques, les témoignages de cette efflorescence artistique abondent. Architectes, sculpteurs, peintres, graveurs, verriers, orfèvres, céramistes, musiciens offrent à nos regards et nos oreilles des œuvres qui ont traversé le temps. Certaines d'entre elles sont aujourd'hui classées par la Région wallonne et par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous ne pouvons donner, dans ces modestes lignes, que quelques témoignages de la richesse des productions artistiques en terre hainuyère : Bible de Lobbes copiée et enluminée en 1084, tapisserie de l'histoire des saints Piat et Éleuthère à Tournai (XIVe siècle), icône en mosaïque du Christ Pantocrator de la collégiale de Chimay (XVe siècle), aigles-lutrins de la collégiale Saint-Pierre de Leuze (XVe siècle), pièces musicales de Jean Ockeghem, natif de Saint-Ghislain (XVe siècle), bas-reliefs et statues en albâtre sculptés par Jacques Du Broeucq pour la collégiale Sainte-Waudru de Mons (XVIe siècle), retable de la Vie de la Vierge de l'église de Boussu (XVIe siècle), stalles baroques du chœur de la collégiale Saint-Vincent de Soignies (XVIIe siècle), quartier abbatial et sacristie de Bonne-Espérance classés au patrimoine majeur de Wallonie (XVIIIe siècle), ornements liturgiques brodés dans l'atelier Dormal-Ponce à Ath (XVIIIe siècle), orfèvreries du montois Alexandre Fonson (XVIIIe siècle), châsse néogothique de saint Vincent de Soignies (XIXe siècle), créations de la faïencerie Boch à La Louvière (XIXe - XXe siècles), mosaïque du chœur de l'église Saint-Christophe de Charleroi réalisée d'après les cartons de Jean Ransy (XXe siècle), œuvre peint de Remy Van Den Abeele, natif de Binche (XXe siècle)... Ce ne sont là qu'une simple mise en bouche, l'ébauche d'un florilège qui ne demande qu'à s'étoffer pour se transformer en corne d'abondance...

Le Hainaut, terre de collectionneurs et de mécènes

M. Gilles Docquier

Au fil de sa longue histoire, le Hainaut a pu réunir toutes les conditions nécessaires pour devenir une terre d'art et de culture. Sous l'Ancien Régime, bibliothèques précieuses, collections d'estampes et autres cabinets de curiosités peuvent parfois sembler bien modestes, reflets d'un besoin très personnel à collecter, rassembler, classer et sauvegarder. Pourtant, ces premiers jalons ont souvent constitué le noyau d'ensembles patrimoniaux heureusement arrivés jusqu'à nous. Car collectionner n'est pas (seulement) une passion, une marotte spécifique à un individu poussé par une curiosité de plus en plus dévorante : collectionner peut devenir l'œuvre d'une vie. C'est toutefois à l'aube du XIXe siècle que ces pratiques connaissent un essor sans précédent, encouragées par le rôle joué par les sociétés savantes qui voient progressivement le jour et la mise sur pied d'institutions de conservation à vocation publique.

Mais là où une collection peut voir son accès jalousement interdit à tout « intrus », elle prend une toute autre dimension lorsqu'elle est partagée, étudiée et valorisée en la rendant accessible au plus grand nombre ; cette démarche philanthropique devient une forme très concrète de « prolongement » du collectionneur en faveur de la collectivité. Le Hainaut ne manque pas d'exemples de collectionneurs qui, partant parfois d'un don bien modeste mais significatif, ont fait ensuite montre d'un exceptionnel mécénat, aussi généreux que désintéressé. Que l'on songe aux collections géologiques rassemblées par Pierre-Auguste-Joseph Drapiez (1778 - 1856) et Alphonse Briart (1825 - 1898), ou aux pièces réunies par le compositeur François-Joseph Fétis (1784 - 1871) qui sont à la base des collections du Musée des Instruments de musique à Bruxelles. Certaines personnalités sont aussi à l'origine de fondations d'utilité publique, tel le Comte Adrien van der Burch (Écaussinnes-Lalaing). D'autres vont donner le jour à de véritables institutions muséales, comme le Musée des Beaux-Arts de Tournai, magnifique écrin conçu par Victor Horta pour accueillir la collection d'œuvres d'art prestigieuses d'Henri Van Cutsem (1839 - 1904). Ainsi en va-t-il aussi à Mons des biens légués par le chanoine Edmond Puissant (1861 - 1934) ou ceux de l'avocat et bibliophile Léon Losseau (1869 - 1949), tandis que Raoul Warocqué (1870 - 1917) fait le choix de léguer le Domaine de Mariemont et l'intégralité de ses riches collections à l'État belge. Quelle que soit l'ampleur de ces libéralités, elles répondent toutes au même souci : préserver un pan de notre patrimoine et de notre mémoire pour les générations futures.